Même les jardins dorment avec une couverture
« Même les jardins dorment avec une couverture » : si ce n’est pas le titre d’un vieux polar américain, cela évoque pourtant la prévention d’un véritable crime horticole, celui de laisser le sol nu en hiver. Dans un potager, l’hiver n’est pas une saison morte, mais une période de repos où la vie souterraine continue d’œuvrer discrètement. Couvrir le sol, c’est protéger, nourrir et préparer la terre à renaître au printemps.
Bobbie Poplars
10/6/20253 min read


Le sol est un organisme vivant à protéger
Tout doucement en ce mois d'octobre nous préparons notre potager à passer l'hiver en sécurité.
Le sol n’est pas un simple support, mais un écosystème complexe abritant bactéries, champignons, vers de terre et microfaune. Ces organismes assurent la fertilité biologique et la structure du sol. Selon Claude Bourguignon (1990), ingénieur agronome et microbiologiste des sols, « un sol nu est un sol mortellement exposé », car l’absence de couverture détruit l’équilibre biologique par le froid, l’érosion et le lessivage des nutriments. Laisser la terre nue durant l’hiver expose le potager à plusieurs menaces :
L’érosion : les pluies hivernales emportent les particules fines et les éléments nutritifs, appauvrissant le sol.
Le tassement : sans protection végétale, le sol se compacte sous l’effet du gel et du ruissellement.
La destruction de la microfaune : les organismes du sol, indispensables à la transformation de la matière organique, subissent un choc thermique et une raréfaction de nourriture.
Ainsi, comme le souligne Lydia Bourguignon dans La vie du sol (2015), « couvrir, c’est préserver la respiration du sol et lui permettre de poursuivre son activité vitale malgré le froid ».
Nous évaluons les différentes “couvertures” possibles, car couvrir un potager ne signifie pas l’abandonner sous un drap d’hiver, mais au contraire lui offrir un manteau nourricier :
Le paillage organique : feuilles mortes, paille, tontes séchées, broyats de branches… Ces matériaux protègent le sol tout en se décomposant lentement, enrichissant la terre en humus.
Les engrais verts : semés avant l’hiver (seigle, moutarde, vesce, phacélie…), ils fixent les éléments minéraux, évitent le lessivage et structurent le sol par leurs racines.
Le compost ou le fumier mûr : utilisés comme couverture épaisse, ils nourrissent la microfaune et améliorent la texture du sol.
Selon le biologiste Francis Hallé (2012), « la couverture végétale agit comme une peau : elle régule les échanges et protège l’organisme. Retirez-la, et c’est toute la physiologie du sol qui s’en trouve bouleversée ! ».
Couvrir les sols est un principe fondamental de l’agroécologie
Dans l’esprit de l’agroécologie défendue par Pierre Rabhi (2010), la couverture hivernale du sol incarne la continuité du cycle naturel. Elle traduit une vision respectueuse du vivant : « la terre est un être à part entière, qui a besoin d’attention et de repos ». En jardinage solidaire, cette pratique prend une dimension collective : protéger la terre, c’est aussi protéger le bien commun dont dépendent les récoltes futures.
Sur le carré où s'étaient développées nos pommes de terre nous avons semé de la moutarde, sur l'ilot central autour du pommier, un paillis de paille, les autres carrés seront recouvert de fumier, paille et/ou feuilles mortes.
Couvrir le potager en hiver, c’est accomplir un geste à la fois simple et essentiel. C’est veiller sur le sol comme sur un être vivant, maintenir sa chaleur et sa vitalité. Car un sol nu se fatigue, s’appauvrit et s’éteint lentement, tandis qu’un sol couvert continue de respirer, de se nourrir et de préparer la saison à venir.
Oui, même les jardins dorment avec une couverture… et c’est ce qui leur permet de rêver et de se réveiller au printemps en pleine forme.
Bibliographie
Bourguignon, C. & Bourguignon, L. (1990). Le sol, la terre et les champs : pour retrouver une agriculture saine. Paris : Éditions Sang de la Terre.
Bourguignon, L. (2015). La vie du sol : clé de la fertilité durable. Arles : Actes Sud.
Hallé, F. (2012). Plaidoyer pour l’arbre. Paris : Actes Sud.
Rabhi, P. (2010). Vers la sobriété heureuse. Paris : Actes Sud.
INRAE (2019). Guide des pratiques agroécologiques pour la gestion durable des sols agricoles. Paris : INRAE Éditions.



